J’ai très longtemps rêvé d’un trait, du trait. Celui que Matisse a patiemment et parfaitement jeté, celui de Hokusai inaccessible puisque éternellement espéré et celui formé d’une entaille dans l’espace, de Lucio Fontana.

 

Alors je me suis planté là sur la rive face à l’horizon. Et puis un jour de guerre lasse je me suis retourné et là je l’ai découvert.

 

J’ai aperçu le  trait de rive, celui qui côtoie l’air et l’eau. Il réalise l’invisible. En ébullition permanente et incessante, le mouvement qu’il délimite est infini. On ne peut que l’entendre vibrer tout autour de la mer. Si le son s’éloigne c’est que l’eau est d’huile, que le ciel l’a plaquée en lui imposant le silence, la rive est née, elle a rejoint l’horizon. La mer et le ciel ne font plus que s’effleurer, le sel alors affleure et forme une laisse de cristaux.

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Afin de retenir un instant ce trait de rive j’ai mis en contact de l’eau et du sel. L’évaporation et le temps vont en dessiner les contours.

Denis Gibelin